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Uchronie

Versailles, 1789.

Dans l’Assemblée, l’impatience est grande : les cinq députées vont rendre le texte qui constituera une des bases de la toute jeune République française. Alors qu’à la tribune monte la présidente de la séance, le silence se fait. Les révolutionnaires qui ont pris part aux évènements les plus récents attendent maintenant d’entendre la proposition de la Commission.

La présidente Mounier prend la parole d’une voix claire :

« Ce jour, nous, citoyennes de France, nous donnons pour mission l’adoption du texte qui soutiendra l’élan nouveau qui souffle sur notre pays. Les générations futures de femmes et d’hommes s’appuieront sur le socle solide d’une nouvelle justice sociale. Voici enfin le préambule de la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » !

Les représentantes du peuple applaudissent à tout rompre durant de longues minutes.

Lorsque le silence revient, une voix s’élève d’un petit groupe soudé, placé un peu à l’écart. C’est un homme, habillé à la mode révolutionnaire et pour l’occasion portant la jupe noire des parlementaires. Sa voix, quoique claire, tremble un peu :

« Pardon, citoyennes, amies du peuple. Cet intitulé ne nous paraît pas égalitaire. »

Le silence qui suit sa phrase tient de l’impatience et de l’incompréhension. De petits ricanements ponctue l’attente de la réponse de la présidente.

« Que voulez-vous dire ? » demande celle-ci.

« Eh bien ! reprend l’homme dont le timbre s’affermit. Nous, citoyens, considérons que notre sexe devrait être représenté plus clairement. Si l’intitulé porte la mention « Déclaration de la femme et de la citoyenne », nous pouvons légitimement nous demander ce qu’il en sera de notre représentation dans cette société. »

Un brouhaha emplit alors la salle. Rien n’est audible. Le silence ne se fera que de longues minutes plus tard : des petits groupes de femmes, le teint rouge, la perruque défaite ou les cheveux luisants de sueur, s’agitent, s’interpellent, parlementent vivement. Des déplacements fréquents, des va-et-vient d’un groupe à l’autre rythment le temps qui passe. Au milieu, presque oubliés, les quelques hommes, sources de tant d’agitation, attendent, parlent à voix basse, ignorés de toutes.

Enfin, majestueusement, remettant en ordre leurs tenues, redressant un chapeau, ressaisissant une canne, les membres de l’Assemblée prennent place : la Présidente va signifier la réponse à l’intervention du citoyen. Superbe, le timbre bien modulé, dominant la foule du haut de sa chaire, elle déclare enfin :

« Citoyens, nous vous avons entendus ! Ainsi, pour que les hommes puissent légitimement sentir l’importance qui leur est concédée dans la société, pour qu’ils sachent la valeur dont la Nation tout entière les gratifie, pour qu’ils soient à même de tenir le rang qui est le leur dans cette République sur laquelle les yeux du monde entier sont maintenant braqués, pour qu’ils sachent enfin que nous les incluons dans tous les changements présents et à venir, nous répondons ceci : Au mot « femme » de la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne », nous mettrons un F majuscule ! »

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